S’il vous plaisoit,
mon cher seigneur,
Me faire vostre serviteur,
Rendant celuy qui n’a que l’umbre,
Couché en l’estat et au nombre
De ceulx lesquels selon justice,
Administrent vostre police,
Ainsi qu’ils ont de vous puissance,
Au lieu de ma propre naissance,
Je me diroy tres fortuné,
Et soubs bonne planette né,
D’appeller mon seigneur et maistre,
Celuy qu’on void en tous biens croistre -
J’enten de louables vertus,
Dont voz esprits sont revestus,
Vous que tous vertueux adorent,
Vous que mesmes les dieux honorent,
Vous faisant la fondation
De divine perfection.
Alors que de vostre famille
Retiendrez ma muse gentile,
Fortune ne craint, ou n’estime,
Non que d’elle je face estime,
Mais de vostre doulce faconde
En France qui n’a sa seconde :
Car de vostre divine bouche
Rien ne sort qu’il ne soit de touche,
Doré, azuré, honoré,
Et comme divin adoré.
Dès qu’un mot de vous sortira,
Ma Muse aux siens l’assortira,
Si bien et de si gente sorte,
Qu’on ne sçaura par huys ou porte
Tel mot divin sera entré,
Tant proprement sera rentré.
Lors voz esprits adoreray,
Et voz honneurs honoreray,
Puis en voz grans honneurs appris,
Je feray un livre de pris
Qui de vostre sublimité
Vostre retour et deité
Honneur et vertueux exemple
Rendra tesmoignage tresample.
Si je suis à vous je me voy
Toucher le ciel du bout du doy,
Estre assez valheureux ou fort,
Pour resister contre l’effort
D’envye par trop importune,
Et de l’ennuyeuse fortune.
Je ne crain rien, je suis trop riche,
Je ne crain que je coule ou liche,
Je ne crain ny vens ny orages,
Undes ou mer ne marescages,
Tout à pied sec je passeray,
Et en vous seul m’asseureray,
Tant seulement que vostre grace,
Un de ses serviteurs me face :
Car en vous et vostre asseurance
Ay mis toute ma confiance.